Sécurité routière, homicide routier, … : focus sur les annonces du Gouvernement
A l’issue du Comité interministériel de la sécurité routière qui s’est tenu le 17 juillet 2023, la Première Ministre a annoncé un ensemble de modifications législatives et réglementaires à venir qui affecteront les conducteurs de véhicules terrestres à moteur.
Que faut-il attendre de cette réforme ?
Certaines des mesures annoncées par le Gouvernement n’aggraveront pas le sort des conducteurs mis en cause dans une procédure routière.
D’autres, en revanche, accentuent clairement la répression.
Homicide routier et stupéfiants au volant : maintien du statu quo.
La création d’un nouveau délit dénommé « homicide routier » avait été évoquée il y a plusieurs mois par le Ministre de l’Intérieur sans plus de précisions quant à sa définition légale.
La conférence de presse du 17 juillet dernier aura permis d’éclaircir ce point : l’homicide « routier » ne sera que l’autre nom de l’actuel homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur [1], puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (7 ans et 100 000 euros d’amende si le délit est commis avec une circonstance aggravante, 10 ans et 150 000 euros d’amende si le délit est commis avec deux ou plusieurs circonstances aggravantes).
Dans le même esprit, les blessures involontaires par conducteur de véhicule [2] seront renommées « blessures routières ».
Ces changements, purement sémantiques, n’auront aucun impact sur le régime des sanctions applicables au conducteur condamné : cette réforme n’entrainera donc aucune aggravation des peines déjà existantes en la matière.
En ce qui concerne la conduite après avoir fait usage de stupéfiants, le gouvernement a souhaité mettre en place une suspension préfectorale automatique du permis de conduire du conducteur interpellé.
Dans les faits, il ne s’agit là que d’une consécration de la pratique, le Préfet suspendant en effet systématiquement et à titre préventif le permis de conduire des conducteurs poursuivis pour conduite après avoir fait usage de stupéfiants.
Rien de nouveau, donc, sous le soleil.
Alcool, vitesse, points, aptitude à conduire : ce qui va changer.
1) Sur l’alcool et les points.
A l’heure actuelle, le conducteur condamné pour avoir conduit en ayant consommé à la fois de l’alcool et des stupéfiants ne perd « que » 6 points sur son permis de conduire [3].
A l’avenir, il en perdra 8, ce qui correspond au nombre maximum de points que peut perdre un conducteur ayant commis plusieurs infractions simultanées [4].
2) Sur le « trafic de points » à titre gratuit.
Le Ministre de la Justice a annoncé la création d’un nouveau délit de dénonciation frauduleuse de l’auteur d’une infraction.
L’objectif sera de sanctionner le fait pour l’auteur non identifié d’une infraction donnant lieu à retrait de points de dénoncer l’un de ses proches afin que ce dernier perde les points à sa place (on pense par exemple au conducteur ayant reçu à son domicile un avis de contravention pour excès de vitesse constaté par radar automatisé).
Un tel comportement sera donc punissable. Cela étant, le juge pénal risque de se retrouver confronté à un problème de preuve.
Comment en effet prouver le caractère mensonger de la dénonciation du proche, qui a agi sans contrainte pour venir en aide au conducteur, alors même que ce dernier n’est identifié sur aucun cliché photographique ?
Dans une telle situation, l’assistance d’un avocat à l’audience est essentielle, car il sera en mesure de pointer du doigt les carences dans l’administration de la preuve et solliciter la relaxe.
3) Sur la vitesse.
Le grand excès de vitesse de 50 km/h ou plus est une contravention de 5ème classe, qui expose notamment son auteur à une perte de 6 points, une amende de 1 500 euros, une suspension du permis de conduire de 3 ans ainsi qu’à une éventuelle confiscation du véhicule utilisé pour commettre l’infraction si le conducteur en était le propriétaire [5].
La réforme érigera cette infraction en délit (la qualification est aujourd’hui prévue en cas de récidive de grand excès de vitesse [6]).
Concrètement, le Tribunal pourra alors prononcer à l’encontre du conducteur :
- Une amende d’un montant maximum de 3 750€ ;
- 3 mois d’emprisonnement ;
- la suspension du permis de conduire pour une durée de 3 ans au plus ;
- la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction, si l’auteur en est le propriétaire. Cette peine de confiscation est dite « obligatoire », mais le juge a la faculté de ne pas la prononcer s’il est démontré qu’elle causerait au conducteur un préjudice financier particulièrement important.
Conséquence notable de cette mesure : il sera possible de contester la version des faits des forces de l’ordre par tous moyens (photographies, enregistrements,…) ce qui n’est pas le cas actuellement, les procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire, celle-ci ne pouvant être rapportée que par écrit ou témoins [7].
4) Sur l’aptitude à conduire.
La Première Ministre a déclaré qu’en cas d’accident de la route, le permis de conduire de l’un des conducteurs impliqués pourrait être suspendu par le Préfet alors même que son titulaire n’aurait commis aucune infraction liée à l’alcool, aux stupéfiants ou à la vitesse.
Le seul « doute » émis par les forces de l’ordre présentes sur les lieux et relatif à l’aptitude médicale à conduire de la personne impliquée dans l’accident suffirait donc à priver un conducteur de son permis de conduire, le temps qu’un médecin agréé ou qu’une commission médicale se prononce sur l’état de santé de l’intéressé.
Cette mesure ne manque pas de surprendre, car elle offrira aux enquêteurs la faculté de porter une appréciation médicale sur l’aptitude à conduire d’un individu.
Les policiers ou gendarmes, dépourvus de toute compétence dans le domaine de la médecine, pourront ainsi porter des appréciations sur l’état de santé du conducteur et transmettre leurs observations au Préfet qui suspendra le permis de conduire de l’intéressé dans l’attente d’un avis médical.
Le risque d’injustices semble élevé, et les recours (gracieux ou contentieux) permettront à l’avocat de se battre pour que son client récupère son droit de conduire dans les meilleurs délais.
Pour conclure, la politique répressive des pouvoirs publics en matière routière se poursuit, mais les droits de la défense sont fort heureusement préservés et sauront être exercés dans l’intérêt exclusif du justiciable.
Afin de terminer sur une note plus joyeuse, il sera relevé :
- que le permis de conduire sera prochainement dématérialisé. Ainsi un conducteur ayant oublié son titre matériel chez lui sera en mesure, lors d’un contrôle routier, de présenter son permis via son smartphone et d’échapper à une verbalisation pour non présentation immédiate du permis de conduire ;
- il sera mis fin dès 2024 au retrait de point pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h : Actualités du droit routier : vers une sévérité renforcée des sanctions ? Par Jordan Gibert, Avocat. ;
- la vignette verte assurance disparaîtra en avril 2024. Fini donc les amendes pour non renouvellement du papillon sur nos pare-brises !